CHINAU
" C’est la black musique qui a d’abord forgé mon identité musicale.
Par black musique j’entends justement tous les styles de musique que tu as cité, mes sœurs étaient férues des clips de R’n’B qui passaient sur MTV Base, la Soul
et le Funk. "

La house music … sujet plutôt vaste n’est-ce pas ?
Quelles sont ses origines ? le nom « house » provient-il du mythique club «Warehouse » dans lequel officiait Frankie Knuckles à Chicago ? Quel a été le premier tube de ce mouvement ou encore quel est le BPM type ?
Vous ne trouverez aucune réponse à ces questions dans cet article ! Par contre, La Distillerie a rencontré un acteur de la scène house parisienne et lui, il va vous présenter sa vision de la house.
Les Distilleurs, voici CHINAU.
Ce talent en construction est un passionné passionnant. Influencé par un tout qui existe seulement dans l’association du R’n’B, de la soul et du funk, Chinau a su prouver son ingéniosité de production en production. Aujourd’hui chez Nymphony Records, label Grenoblois, la Distillerie a voulu lui poser quelques questions.
Pour commencer, peux-tu te présenter à nos Distilleurs ?
Salut la Distillerie, je m’appel Cédric mais on peut aussi m’identifier par l’alias Chinau, j’ai 23 ans, je fais des études d’arts plastiques sur Paris et je suis passionné par la House musique et toute la culture qui en découle.
On doit souvent te poser cette question mais, pourquoi « Chinau » ?
Ce n’est pas faux on me le demande souvent haha, l’histoire est plutôt simple, on m’associe souvent des traits asiatiques de manière ironique du fait de mes yeux légèrement bridés lorsque je souris avec excès par exemple, donc j’ai trouvé drôle de jouer sur cet aspect étant donné que je suis souvent tout sourire lorsque je joue. J’ai trouvé que ça sonnait bien, c’est court et simple à retenir.
On retrouve de nombreuses influences à l’écoute de tes productions. Du R’n’B en passant par la Soul ou même le Funk.
Tu peux nous présenter rapidement les musiques qui ont forgé ton identité musicale dans ta jeunesse ?
C’est la black musique qui a d’abord forgé mon identité musicale. Par black musique j’entends justement tous les styles de musique que tu as cité, mes sœurs étaient férues des clips de R’n’B qui passaient sur MTV Base, la Soul et le Funk. Ca vient de mes parents car c’est de leur époque et la musique Zaïroise (mon pays d’origine) qui à bercé toute mon enfance présente également ce genre d’influences soul et funk.
Mon oncle (Philo Kola) fut un grand musicien zaïrois autodidacte, mon père autodidacte également avait monté un studio à la maison. Il organisait de longues soirées d’enregistrement avec un groupe de Gospel dans lequel ma mère faisait parti.
Je pense qu’il est aussi utile d’évoquer le fait que je devais aller à l’église tous les dimanche. Mes parents étant de confession Protestante, il y avait beaucoup de représentations musicales assez joyeuses et festives relatives au Gospel.

Avec le recul je pense que ce facteur justifie mon amour pour la House music et les vocaux spirituels que l’on retrouve dans la Chicago House.
On a pu voir que c’est à partir de 2010 que tu es « sorti de ta chambre », Peux-tu nous raconter les premiers pas de Chinau dans le monde de la musique électronique parisienne ?
Parfois j’y pense et j’ai un peu du mal à situer comment tout a réellement commencé. Disons que oui, c’est au cours de mes années lycée que j’ai commencé à vouloir produire ma propre musique, donc les années 2010 et 2011.
Avec Punta Rosa et Lafayette Ellis qui sont des potes beatmakers du lycée, on a monté un collectif dans lequel nous souhaitions sortir nos projets, mixes, collabs etc… On a appelé ça Laruche Records et ça à plutôt vraiment bien marché sans qu’on le voit venir.
On a pu asseoir une certaine notoriété dans la scène Beat grâce à Laruche qui nous a permis de faire nos premiers passages radio, nos premières soirées sur Paris, de lancer nos premiers projets, de faire venir des grosses têtes d’affiches et de réaliser des collaborations internationales. De là j’ai pu faire mes premières armes au Glazart, au Chacha Club ou j’ai joué avec Château Marmont ou encore au Batofar, au Gibus et au Regine’s lorsque l’un des blogs de musique électronique pour lequel j’écrivais des articles m’a fait jouer (ndlr :Les Marchands de Bonbons).
Me retrouver à jouer devant des gens en club à Paris dans de tels endroits pour mes toutes premières dates, c’était juste impensable pour moi lorsque j’étais encore au lycée et que je téléchargeais Fruity Loops.
Ensuite, j’ai signé avec Nymphony Records et les choses se passent de mieux en mieux pour moi depuis, je reste cependant très lié à Laruche qui représente la famille musicale dans laquelle j’ai commencé à m’épanouir.
L'histoire de la house musique, ses origines dans les Warehouse de Chicago, la scène Techno montante de Détroit durant la fin des 80’s, la black culture qui à découlé de ces villes qui ont vu naître ces deux genres musicaux novateurs, le message de joie et de liberté dont la house est mère, le rapport aux sens et aux sentiments de bien être qu'elle procure, cette chose mystique qu'est le groove, ces magnifiques vocaux féminins comme masculins compressés, Boo Williams, Delano Smith, Omar-S, Kerri Chandler, Laurent Garnier… Toutes ces choses (et bien d'autres encore) constituent les inspirations quotidiennes de Chinau, ce pour quoi il défend et aime tant cette musique.
Nous parlions donc de tes influences, De la techno made in Détroit à la house groovy de Chicago.
Ce sont des inspirations plutôt old school qui forgent ton identité musicale. On a voulu savoir quelle est ta vision de la scène house actuelle ?
Le respect des anciens avant tout, sans eux on n’en serait pas là aujourd’hui et la scène house actuelle ne se porterait pas aussi bien. Donc oui, mon sentiment sur l’actuelle scène house est extrêmement positif.
je place Lazare Hoche en tête de file. C’est un artiste que je trouve tout simplement incroyable, tant pour ses talents de djing que de production. Je suis fan de chacune des sorties de LHR qui correspondent à un univers musical qui me parle beaucoup. Les tracks que sortent Mandar sont complètement folles, d’autant plus que les membres viennent respectivement de France, Hollande et du Danemark, je trouve ça beau et encourageant pour la scène house actuelle.
Ce genre de collaborations internationales devaient déjà se faire à l’époque je pense, mais j’ai l’impression que c’est encore plus marqué aujourd’hui. Je trouve que Local Talk, AUS music, MLIU ou encore House Running proposent de belles choses puisant dans des influences old school teintées d’un souffle nouveau.
Artistiquement, le travail de S3A est agréablement technique, Fred P est l’un de mes producteurs préférés en ce moment. Il y a également le labelClekclekboom qui réalise des choses que je trouve incroyables et novatrices très conceptuelles. Puis il y aussi le label Feel my Bicep qui est exactement dans la dynamique pêchue que l’on veut entendre en soirée. Et là encore je te parle de personnes et de labels s’étant grandement établis à l’international.
Dub Striker ou encore Mara Lakour, attends toi à voir ces noms plus souvent très bientôt. Je dois forcément parler de Supply qui est un gars que j’apprécie beaucoup en plus d’être un artiste vraiment vraiment vraiment très très talentueux. Le collectif District est aussi en train de prendre un ampleur assez importante car ils organisent des events qui collent vraiment a l’esprit House sans parler spécialement de musique même ! La station de radio parisienneMake It Deep est également dans une mouvance qui me plait beaucoup. Je vais m’arrêter là parce que je pourrais continuer longtemps, mais d’une manière générale on est très bien aujourd’hui, la tradition de nos pairs est clairement assurée.
Aujourd’hui tu es sur Nymphony Records, peux-tu nous en dire plus sur ce label Grenoblois ?
J’ai participé au concours annuel qu’ils organisent pour figurer sur une compilation qui est distribuée dans toute la France. J’ai été sélectionné et suis parti jouer à Grenoble dans le cadre de la release party de la compil. Je considère cette soirée comme un tournant important car elle m’a permis de décrocher une signature avec eux. Tous les membres de l’organisation du label sont passionnés par la musique électronique et ont vraiment les pieds sur terre, du coup ça crée des liens d’amitié et de confiance, je pense que c’est très important de se sentir bien au sein d’un label. Le roster du label est très riche avec des artistes tels que Supply, Zaspero, Blazers, Tonte Concept, Merick, Beatrouble ou encore les Marzattack qui sont des personnes avec qui j’ai toujours grand plaisir de jouer. Dernièrement le label à organisé un événement très conceptuel mêlant art et musique du nom de Silent Arty, et c’est par ce genre d’initiatives avant-gardistes que je trouve que Nymphony à quelque chose de très intéressant à défendre en plus des sorties musicales et des événements de qualité qu’ils proposent aussi bien à Paris qu’a Grenoble à l’instar d’un événement lié aux sports de glisse.
Même si tu as déjà bien commencé à y répondre, nous avons pour habitude chez la Distillerie de demander à nos invités quel est, à leurs yeux, l’artiste le plus prometteur des années à venir, Pour ne pas déroger à la règle, nous te la posons !
Bambounou !
C’est l’artiste le plus prometteur du moment et pour les années à venir. C’est un grand malade en terme de production, il est vraiment capable de produire un morceau


J’ai vraiment l’impression qu’il est capable de tout faire, il à déjà deux albums a son actif qui sont vraiment très propres musicalement parlant, et ça à l’air d’une simplicité sans nom pour lui de produire des morceaux réellement efficaces avec des rythmiques novatrices et des virages déroutants.
Mais en plus de tout ça, il est aussi capable de te faire des instrumentaux hip-hop comme sur l’album de Piu Piu sur lequel il a collaboré avec son pote French Fries à la production de certains tracks. Sa collaboration pour Red Bull Studios Paris avec ce dernier est d’ailleurs évocatrice de leur immense talent à tous deux.
Pour surfer sur l’actualité, David Guetta vient de nous proposer unessential mix sur Radio 1 il y a quelque jour présentant les influences qui ont marqué sa longue et respectable carrière. Aucun track sélectionné n’est sorti après les années 2000 et ses choix sont résolument house. De Frankie Knuckles ou Dj Sneak en passant par Danny Tenaglia, Guetta nous prouve qu’il conserve une ouverture musical certaine et une grande qualité de djing.
Quel est ton avis sur la scène commercial française avec des artistes tel que Bob Sinclar ou Martin Solveig qui, à une époque, ont écrit les lettres de noblesses de la house made in France ?
Le Bob Sinclar de l’époque Yellow Productions est un artiste que j’adore, le Bob Sinclar de l’époque Love Generation est un artiste que j’apprécie moins mais qui à plu a beaucoup de monde, énormément même.
(Article sur Bob Sinclar à retrouver dans la Distillerie)
Honnêtement je pense qu’on ne peut que saluer le fait que des artistes comme lui, Martin Solveig ou David Guetta sont parvenus à négocier parfaitement le virage musical qu’ils ont voulu entreprendre et qui ,du coup, ont connu un succès commercial très lucratif.
Après, je continue de penser que l’intégrité reste le meilleur allié de l’homme, mais ce n’est que mon avis. J’ai pris l’exemple de Bob Sinclar au début car il est très significatif pour moi, l’époque ou il bossait avec DJ Yellow, DJ Gregory ou encore Fabe est complètement contradictoire avec ce qu’il fait aujourd’hui. Mais, le fait que par exemple David Guetta ait pondu un tel mix que j’ai écouté et que j’ai vraiment apprécié ne m’a pas étonné finalement car on connait tous les influences, on sait tous comment ils ont commencé, donc ce n’est pas une surprise de savoir que David Guetta puisse apprécier un bon Georges Morel, ils étaient là avant nous, ils ont baigné dans cette culture house, je n’étais même pas encore né que Guetta passait déjà des vinyles au Rex, on parle d’un mec qui a fait venir au Queen Little Louie Vega, David Morales ou encore DJ Pierre. Donc je n’ai franchement aucun doute sur ses influences musicales et peut être même qu’il reviendra aux essentiels à un moment donné de sa carrière, c’est juste que son fond de commerce actuel s’adresse à un public ayant des attentes musicales spécifiques pour apprécier un morceau, tout comme la scène house underground.
C’est un peu le même combat finalement je pense. Disons que je considère qu’ils sont passé du côté obscur en quelque sorte (rires) mais le sentiment doit être réciproque de l’autre côté. Je ne dénigre en aucun cas la musique que réalise des artistes comme eux, c’est juste quelque chose qui me parle moins, beaucoup moins. Le problème c’est qu’a cause de ça beaucoup d’amalgames sont engendrés, qu’on vienne me dire que je j’ai joué des morceaux commerciaux dans mes sets lorsque j’y ai mis « Put Your Hands Up In The Air » des Daft Punk par exemple, ça me fait plutôt chier.
Maintenant que nous en savons plus sur ta vision de la scène house et tes influences, nous voulions approfondir l’aspect « Chinau aux platines » !!
Lors de tes performances en club tu es plutôt live ou set ?
100% DJ set !!! Le club est le temple du djing, la house c’est avant tout un style DJ avant d’être pressé sur disque comme le hip-hop et le disco. Donc en club je privilégie les DJ set, je trouve ça très bien le live, mais ça relève plus d’une performance musicale à laquelle il faut prêter attention lorsqu’on est spectateur. Moi quand je vais en club je n’ai pas envie de passer deux heures à regarder un artiste hypnotisé par son laptop tourner des potards frénétiquement. Il faut être proche du public pour générer une émotion, créer un lien, c’est assez bizarre comme réflexion, mais je trouve qu’avoir un ordinateur entre soi et le public casse cette symbiose.
Plutôt introverti ou extraverti ?
Carrément extraverti haha !! Tu es DJ, tu passes des morceaux qu’en théorie tu apprécies autant qualitativement que musicalement, alors quand je vois ces mecs qui mixent tout en restant stoïque je me dis qu’il y a quelque chose qui cloche. Après tout dépend du style de musique mixé, mais en ce qui concerne la house et la techno en tout cas, ce sont des mouvements musicaux qui délivrent un certain sentiment d’euphorie mêlé à un sentiment de bien être assez spirituel de par leur histoire et de par leur composition musicale. Alors quand je joue je me laisse le plaisir de kiffer, je danse, je profite et je ne m’en cache pas.
Selon toi, quelle est la clé d’une prestation réussie ? une bonne préparation ?
Je ne sais pas vraiment si il y en a une, mais en tout cas je ne prépare pas mes sets à l’avance, je vis tout sur le moment présent en même temps que le public, du coup ça rend chaque prestation unique et jouissive. Je trouve un certain charme dans le fait de devoir réfléchir assez rapidement au prochain morceau qui correspondra le mieux avec celui passant actuellement, ça rajoute un peu d’adrénaline très bonne pour le dépassement de soi. La communication avec l’auditoire est très importante également pour insuffler et provoquer le fameux « house feeling » .

" Je suis carrément extraverti ! Tu es DJ, tu passes des morceaux qu’en théorie tu apprécies autant qualitativement que musicalement, alors quand je vois ces mecs qui mixent tout en restant stoïque je me dis qu’il y a quelque chose qui cloche. "

Chez la Distillerie, on est tombé amoureux de ton track « basement Jam » tiré de l’EP More Than The Feelin. Des sonorités purement deep techno et une énergie très présente tout a long des quatre tracks.
Selon toi, quelle est la touche « chinau » aujourd’hui dans tes productions ?
Haha c’est plutôt difficile comme question à ce stade. Je ne pense pas avoir développé une certaine touche « Chinau » pour le moment, j’y travaille très dur certes mais je suis en grande phase d’exploration perpétuelle. La house reste mon fil conducteur, mais j’aime bien prendre d’autres chemins comme avec mes tracks « Groovehaus » ou « Persian Wild Flowers », après je pense que mon identité musicale se précise de plus en plus avec des sonorités deep plutôt calmes mais dansantes agrémentées de rythmiques house et de vocaux cuttés samplés. Mon prochain EP sera largement plus significatif du son que je tends à développer dans la lignée de More Than a Feelin EP.
Au côtés de quel artiste aimerais-tu jouer dans les années à venir ?
Laurent Garnier est l’artiste avec un grand A avec lequel j’aimerais échanger une discussion sur la house et la techno après un set de folie en b2b au Rex club (rires).
En réalité il y en a vraiment beaucoup d’autres, la liste serait extrêmement longue, mais pour t’en citer quelques uns je dirais Lazare Hoche, DJ Steaw, DJ Fudge, Fred P, Roberto Rodriguez, Bicep, Bambounou, Jay Daniel, Kyle Hall… Une poignée d’artistes que j’apprécie énormément.
Parlons avenir, quels sont tes projets à venir ? Des dates que tu attends avec impatience ?
Ca fait très longtemps que je n’ai plus sorti de productions m’étant un peu plus penché sur le djing ces derniers temps, mais une pluie de nouveaux tracks vont débarquer d’ici peu, des projets de remixes et un nouvel EP que j’ai vraiment hâte de pouvoir sortir.
Sinon j’ai une très grosse date relative à une rave party sur Grenoble en septembre et une autre à Lyon ou je jouerai en compagnie d’Ejeca donc j’ai vraiment grand hâte d’y être !
Le mot de la fin ?
Espérons que ce ne soit que le début !​
Merci à :
Cédric Lukoki
Propos recueillis par Lucas Aubert